Je suis chez moi au Québec et la météo est mauvaise. Juin et j'ai froid. Le temps est nuageux. Les enfants ne savent pas quoi faire. Les enfants ont hâte d'aller en vacances.
Je suis à la mer, dans les Caraïbes, avec mes enfants. J'ai chaud. Ben trop chaud. J'ai du sable dans mes affaires. Mes enfants s'engueulent. J'ai hâte d'être à maison. Les enfants s'ennuient de leurs jouets.
14 ans. Devoir demander la permission pour tout. Pas d'argent, pas de char, trop jeune pour travailler. Vie de merde. Jamais rien que j'aime dans le frigo. Avoir hâte en maudit d'avoir 21 ans et sacrer mon camp de chez mes parents pour pouvoir faire ce que je veux, quand je veux.
24 ans. Enfin dans mon appart. Devoir travailler pour avoir de l'argent. Faire son propre ménage, payer les bills, faire l'épicerie. Maudit qu'on était ben chez nos parents!
25 ans et célibataire. Trouver le temps long. Vouloir faire des promenades en amoureux et me coller sur un homme qui va me dire qu'il m'aime pour la vie. Essayer par tous les moyens de me caser. Dater sur internet, dans les bars, à l'épicerie et au gym. Je vais finir en vieille fille.
27 ans. Je veux des enfants. Je suis triste parce que je veux vraiment des enfants. Je regarde toutes les familles avec des larmes dans les yeux. Je rêve de tenir mon bébé à moi dans mes bras. J'ai plein de temps et de moyens, je voudrais tant le partager avec des enfants.
2015: j'ai deux kids. Je suis fatiguée. Jamais de temps pour moi. Je donnerais tout pour un sept jours sans kid, juste pour moi. Sept jours pour lire, écrire, faire de la voile, du surf, me saouler et danser toute la nuit. Des fois, je regarde mes amies sans enfant et maudit qu'elles ont l'air bien.
2017: ça fait dix ans que je suis mariée. Sérieusement, comment ai-je pu me rendre à dix ans de mariage? Dix ans avec le même gars. Toujours les mêmes habitudes, les mêmes chicanes, les mêmes maudites activités plates. Être célibataire, je pourrais voyager et faire ce que je veux. Mes amies célibataires ne savent pas la chance qu'elles ont.
2020 Une pandémie. Prise à maison.
Ma famille m’énerve. Je ne suis pas faite pour être à la maison tout le temps avec eux. J’ai hâte de recommencer à travailler.
2022 Travailler comme une dingue. Avoir plein d'argent, mais pas de temps. Avoir un statut social qui fait mourir d'envie ses amis, mais ne pas pouvoir profiter de la vie. Finalement je m’ennuie de la pandémie, au moins je pouvais voir mes enfants. Vouloir tout donner contre un long week-end, mais ne pas pouvoir.
2023 Changer de boulot pour avoir une meilleure qualité de vie. Se sentir inutile.
Avoir trop de temps libre, mais pas assez d'argent pour faire des activités et des voyages.
Ne plus avoir le statut social. Regarder ses amis qui se réalisent au travail, pleurer en cachette.
Finalement, j'ai hâte d'être à la retraite. Pas de problème de travail. Assis à relaxer, avec les enfants partis de la maison. On va-tu être bien juste un peu?
Tranquille. Juste moi et mon mari.
Pas d'enfants qui nous achalent, pas de ménage à faire, pas de jouets à ramasser, pas de cris, pas de chicane, pas de repas à faire. La belle vie.
Finalement la retraite c’est plate. Tout le temps seule avec mon mari. La maison est vide. On n’a rien à se dire. On a tout dit. On se connaît par cœur.
Le temps n'avance plus assez vite.
Juste trois ans que mon mari est mort. Trois mois après le début de notre retraite.
Je donnerais tout pour l’entendre me raconter une de ses vieilles histoires.
Mes enfants viennent de moins en moins souvent. Ce sont les fantômes qui habitent maintenant ma maison devenue trop grande, trop silencieuse et trop vide. Je vois encore mes enfants qui courent. Je vois mon mari qui passe. Je me vois à cuisiner pour ma marmaille. Je les entends crier. Le temps à filé trop vite et voilà maintenant qu'il ralentit.
Le bonheur, c'était avant. Le bonheur, c'était quand je le cherchais. Avoir su.